Le travail de Stéphanie le Grelle (Wilrijk – 23/09/1964) cherche à mettre en lumière ce qui, au plus profond de la forêt, reste d’habitude tapis dans l’ombre.
Le dessin de Stéphanie le Grelle n’est pas actuel, il se moque des tendances de l’art, des extases mondains, et des petites gloires éphémères du présent. Il est comme ce premier trait rouge esquissé par une main d’homme, ou de femme, dans le refuge précaire de la caverne, mais il en est la continuité savante, consciente d’elle même et théorisée.
De ce trait primal, il partage la force et l’humilité. Le rhinocéros de la caverne est sans ombre et immobile mais il est là, pure présence modeste qui interroge et qui témoigne de la force tellurique de cette ancienne humanité.
Sa technique ambitieuse et précise, dans le silence solitaire de la création, fixe sur le papier le grand cycle de la nature. La mine de plomb devient la sève qui redonne vie à l’arbre mort et cette renaissance est aussi comme un jaillissement de la mort avec son cortège de souffrances.
La minutie est cette qualité rare de l’artisan qui domine son sujet. Appliquée à la feuille blanche, la précision du trait fend l’espace vide, lui donne vie et lui impose sa forme.
Ce n’est pas un hasard s’il y a là quelque chose qui s’apparente au travail du graveur, la technique de Stéphanie le Grelle s’inscrit dans la longue lignée des artistes des Flandres, qui de la Renaissance à nos jours, partagent la même quête de perfection.
Il faut un long apprentissage et du courage aussi pour produire une œuvre porteuse de cette humilité, calculée, patiente, volontairement restreinte, devant composer avec les jours sombres où la main ne décolle pas de la table, où l’esprit s’égare et se disperse. Revenir alors, à l’essentiel, la chaise, la table et la main qui se dirige vers le crayon, un rituel épuré toujours à recommencer.
Les troncs noueux, les racines tordues sont presque comme autant de visages, souvent torturés, parfois apaisés, mais toujours humanisés; ils nous appellent du fond de leur monde, nous montrent leur fascinante nudité et nous invitent à partager leur univers sans artifice.